Couture-sur-Loir : Les crimes des Ronsard (1)
Dans la grande famille des Ronsard, dont on retrouve les traces non seulement dans le Vendômois mais aussi dans le Maine et en Touraine, Pierre, le poète, est le plus célèbre grâce à ses oeuvres épicuriennes et lyriques : "Mignonne allons voir si la rose..." Il ne faut pas oublier, cependant que Pierre fut également un redoutable polémiste ne reculant pas devant la violence de l'expression, voire l'invective.
Au demeurant, il convient de se souvenir que, selon la formule due à un historien éminent (Dominique Barthélémy), la fortune des Ronsard ( sergents forestiers des comtes de Vendôme) s'est d'abord nourrie de la répression du braconnage; en outre, la seconde partie du "Beau XVIème siècle" a été marquée par le déchainement d'une brutalité dépassant les passions religieuses ou politiques, répression et rébellion côtoyant le banditisme, comme c'est toujours le cas dans ces périodes de troubles.
Il ne faut donc pas trop s'étonner de ce que la famille Ronsard n'ait pas échappé à une destinée sans doute plus commune qu'on ne l'avoue généralement. Il faut reconnaitre, par contre, qu'elle n'y est pas allée de main morte puisqu'elle s'est vue imputer deux meurtres, plutôt deux assassinats, la préméditation étant indéniable, en moins de neuf ans.
Le premier a eu lieu le 15 août 1564 : c'est le guet-apens qui coûta la vie à Gilbert Filhet de la Curée, seigneur de La Roche-Turpin, dont le château s'élevait à Artins, non loin de la Possonnière. Cet homme était l'un des chefs du parti protestant qui possédait alors de fortes positions dans le Vendômois et avait avivé la haine des catholiques en raison des brutalités et des vexations commises à Saint-Calais, Trôo ou Vendôme. Ces derniers s'étaient constitués en association et donné des dirigeants appartenant à la noblesse locale, dont Louis II de Ronsard, le neveu du poète, "terreur des Calvinistes".
Voici la relation du meurtre de Gilbert donnée par J. de Pétigny (1846) d'après les Mémoires de Louis Ier de Condé, reprise, peu ou prou, par tous les historiens qui lui ont succédé.
"Les associés jurèrent sa mort, et choisirent pour siège de leurs complots le château de la Poissonnière (...) Le 16 août 1564, le seigneur de la Curée chevauchait paisiblement en chassant à l'oiseau à travers la plaine de Couture lorsque trois assassins gagés sortirent de la Poissonnière et lui barrèrent le chemin. Surpris de se voir ainsi entouré, il leur demanda ce qu'ils voulaient. - Ta vie ! répondit l'un d'eux; et en même temps, il lui tira un coup de pistolet qui ne l'atteignit point. Le malheureux gouverneur piqua son cheval et galopa vers la rivière pour essayer de la passer à gué; mais il vit sur l'autre bord huit cavaliers sortis du château de la Flotte, qui l'attendaient au passage. Alors, désespérant de se sauver, il fit tête aux assassins et tomba mort d'un coup de pistolet qui lui fut tiré presque à bout portant dans l'oeil. Ce crime resta impuni. Ceux qui l'avait commandé étaient trop élevés pour que la justice pût les atteindre."
Comme ses pairs, sans avoir lui-même pris part à une exécution, sans doute confiée à des hommes de main, et peu glorieuse (onze hommes contre un), Louis II n'en a pas moins engagé sa responsabilité en tant que commanditaire ou complice de celle-ci. Pourrait-on mettre en avant, dans son cas, le désir supplémentaire de venger une humiliation ? L'on a prétendu qu'en l'absence du maître des lieux (Louis semble avoir séjourné surtout dans son manoir de La Chapelle-Gaugain) un coup de main protestant à la Possonnière aurait abouti à la profanation de la chapelle Sainte-Croix (détruite au XIXème) qu'il aurait fallu consacrer à nouveau.
Enfin, après avoir été gouverneur du Vendômois (1569), il aurait fini par être rattrapé par cette affaire ainsi que probablement par d'autres et plus ou moins contraint de se retirer dans le Bas-Maine avant d'y mourir.
( A suivre)
Xavier Campion (Juin 2015)
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