Catégories
Économie et emploi

L’ECONOMIE AUX RENDEZ-VOUS DE L’HISTOIRE

Partager cet article sur vos réseaux !

Ainsi que l’a souligné Jean-Baptiste Anginot, le modérateur de la Table ronde qui s’est déroulée au Minotaure, le 5 octobre, le thème de cette édition des « Rendez-Vous de l’Histoire », « Les vivants et les morts », paraissait, au premier abord difficile à aborder dans le cadre de l’Economie. « Peut-on parler de la mort d’une entreprise ? » ; en effet, une telle la disparition crée de graves traumatismes aussi bien pour ses salariés que pour le territoire sur lequel elle est implantée. Par ailleurs, la vie des entrepreneurs est rythmée par des difficultés, des retards, des retournements qui nécessitent une vigilance et une capacité d’adaptation permanentes. Il faut avoir le mental pour résister non seulement aux aléas du marché mais aussi à l’accumulation des règles et des normes, plus ou moins pertinentes ainsi qu’à celle des contrôles parfois pointilleux et excessifs. L’économiste Joseph Schumpeter (1883-1950) n’hésitait pas à parler de « destruction créatrice » pour qualifier l’apparition d’innovations dans l’économie qui, si elles stimulent la croissance, mettent en permanence les entreprises au défi de s’adapter pour survivre, les moins performantes étant appelées à disparaitre. Dans un récent ouvrage Jérôme Fourquet a mis en lumière les bouleversements économiques et socio-culturels qui, depuis les années 80, ont transformé notre pays. Cette capacité d’évolution, ce dynamisme intellectuel, indispensable à la survie des entreprises, a donc induit le thème de la Table Ronde : « Résistance, Résilience, Renaissance : la vie des entreprises »

Trois entrepreneurs ont participé à l’évènement : Arnaud Berthonnet gérant d’INSIGLO, une société spécialisée dans l’histoire des entreprises, Aymeric Olibet qui fait renaitre avec passion, l’entreprise familiale, première biscuiterie industrielle en France en 1872, et Laurent Gauthier, directeur de Terroir et Traditions, qui fait revivre avec succès la production artisanale de champignons.

Arnaud Berthonnet a défendu l’idée que les entreprises familiales font de la résistance tandis que les entreprises « managériales » ont plus de résilience. Prenant l’exemple de la société SMAC à Tours, fondée en 1884, spécialisée à l’origine dans l’extraction de l’asphalte, elle devient en 1887 entreprise de travaux publics. En 1958, son capital ayant été en partie racheté par la SCRG, ses activités évoluent vers l’étanchéité des bâtiments ; en 1965, en partenariat avec une société belge, elle prend position sur les marchés de la couverture et du bardage avant de mettre au point un revêtement robuste destiné, entre autres, aux ouvrages d’art… D’évolutions en évolutions, grâce à des partenaires successifs, SMAC poursuit sa route, intègre les nouvelles technologies, et acquiert une réputation dans le secteur de la protection environnementale : enveloppes de bâtiments, photovoltaïque, etc.

Aymeric Olibert est banquier ; il s’est découvert une passion, retrouver l’histoire de la marque de biscuits dont il porte le nom. En 1872, son aïeul avait créé à Bordeaux la première usine de biscuits en France. Elle a reçu la médaille d’or pour la qualité de ses produits lors de l’Exposition universelle en 1898. En 1950, l’entreprise comptait quatre usines (Talence, Suresnes, Lyon et Renteria en Espagne). Avec l’arrivée de la concurrence à travers la grande distribution, la famille passe la main à d’autres actionnaires. En faillite en 1977, Olibet est revendu plusieurs fois ; la marque disparait en 2006 et la société travaille sur un produit bas de gamme sans aucun rapport avec ce qui a fait, autrefois, son renom. Elle disparait en 2012. C’est en découvrant un livre racontant l’histoire familiale qu’Aymeric Olibet commence à collectionner tout ce qui a rapport avec la marque. En 2015, il rachète celle-ci et commence une fabrication artisanale du produit qui avait séduit le public, en son temps. Même si pour l’instant les résultats demeurent modestes, Aymerix Olibet se fait une joie et un devoir de faire renaitre les biscuits en forme de demi-lune vendus dans une jolie boite carrée.

Laurent Gauthier, après avoir expliqué que ses parents étaient champignonnistes à Villavard exerçant leur métier dans la tradition, a souligné avec force « J’ai appris avec eux deux valeurs fondamentales, le courage et le travail ». Il se lance à son tour dans la culture du champignon , met en place des produits dérivés et connait le succès ; l’entreprise crée des emplois, dispose de son banc aux Halles à Rungis. L’arrivée de la concurrence des pays de l’Est avec leur production à bas coût au détriment de sa qualité gustative, anéantit en grande partie les producteurs français qui de 500 ne sont plus que 20. Lorsque l’on est comme Laurent, patron d’une PME, que l’on y consacre tout son temps, que l’on a été élevé dans le respect de l’autre et avec un sens aigu de ses responsabilités, la chute de son entreprise est vécue comme une véritable tragédie : « Je n’avais plus le courage de vivre »,a-t-il avoué. C’est grâce à son épouse à laquelle il a rendu un vibrant hommage et à la solidarité familiale qu’il a pu repartir. Ces mêmes valeurs de courage et de travail lui ont permis de se relancer sur de nouvelles bases en créant une entreprise plus modeste mais qui génère un produit de qualité qui a séduit les chefs des grandes tables. En 2020, alors que la crise sanitaire frappe l’économie, Laurent va commencer à vendre sa production sur les marchés. Sa douloureuse expérience lui a donné l’envie d’en parler pour que cela n’arrive pas aux autres ; transmettre son savoir-faire est également pour lui une évidence ; c’est ainsi que grâce à lui, d’ores et déjà sept jeunes ont pu mener à bien leur projet ; il travaille également à la création d’un label.

Sabine Campion

« tous droits réservés »
Reproduction interdite
#pf-src { display: none !important; } #pf-title { border-bottom: 0 !important; font-size: 40px !important; text-align: center !important;} #pf-author { display: none !important; }