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Histoire et patrimoine

Couture-sur-Loir : Les crimes des Ronsard (2)

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Le second crime est totalement imputable aux Ronsard. Commis au manoir de La Denisière, au-dessus de Couture, à quelques centaines de mètres de La Possonnière dans la nuit du 14 au 15 mai 1573, il eut un caractère particulièrement sanglant et atroce; non seulement inspiré par le seul appât du gain, il frappa en outre une proche et ses domestiques et fut enfin accompagné de sévices sur la personne de la principale victime : l'exemple parfait du crime que l'on attribuerait, deux siècles plus tard, aux "chauffeurs". Les auteurs n'appartenaient pas aux Ronsard de La Possonnière mais à une branche collatérale, celle que l'on pourrait appeler "de La Denisière", un temps en possession de la seigneurie de Beaumont-la-Ronce. Sans nous attarder sur le passé, nous allons partir d'un parent mentionné par Pierre.

Au début du "Voyage à Tours" (publié en 1560), le poète évoque la vision de la grande tour du "pasteur Phelipot" qui "de Beaumont-la-Ronce honore le village"; il s'agit bien du cousin Philippe de Ronsard, gentihomme de La Maison du Roi, seigneur de Beaumont, qui eut d'un premier lit deux fils, Jean et Jean-Baptiste, "le jeune de Beaumont", il avait également quatre neveux issus de son frère aîné, Joachim, dont Guillaume le premier, puis Nicolas-Horace, poète et Gabriel, prieur des Roches ( à Tuffé, non loin de Conneré dans le Bas-Maine).

Voici une version tirée de celle de Saint-Venant; elle n'est ni la seule ni exempte de quelques contradictions auxquelles l'on a tenté de remédier.

Ce sont donc les deux fils de Philippe et leurs cousins, Nicolas-Horace et Gabriel qui manigancèrent le crime. Guillaume, héritier de la Denisière, avait épousé en 1559 Madeleine de Monceaux avant de mourir sans postérité en 1567; il laissait l'usufruit de ses biens à sa veuve, ce qui excita la jalousie et la convoitise de Nicolas-Horace et de Gabriel; ceux-ci s'assurèrent avec des promesses de partage la complicité des deux autres parents cités et celle de comparses comme René Doré, l'un des fermiers de Madeleine. La fièvre était montée d'autant plus haut que l'on espérait trouver de l'argent liquide : aucune raison donc d'épargner la vie de la jeune femme !

Les conjurés choisirent un moment où celle-ci n'avait pas d'autre compagnie que deux domestiques et deux ou trois servantes. A l'exception de Nicolas-Horace qui séjournait au Mans pour détourner les soupçons de sa personne, ils s'introduisirent en armes à La Denisière, le jeudi 14 mai 1573 dans la nuit et commencèrent par s'assurer le silence des gens de maison en les massacrant avant de s'en prendre à Madeleine. A force de violences, ils lui extorquèrent la cachette de son argent; après avoir mis la main dessus, n'ayant plus besoin d'elle, ils la tuèrent. L

La suite indique à quel point les conjurés avaient poussé leurs précautions. De retour à Beaumont, tôt dans la matinée, ils partagèrent le butin et attendirent la nouvelle de l'évènement devant laquelle ils feignirent la plus complète douleur. Ils affectèrent le même chagrin lorsqu'ils écrivirent à Nicolas demeuré au Mans et prévinrent les deux frères de la victime. Tout le monde accourut à La Denisière. Cependant, faute de piste, l'affaire aurait pu se réduire à une énigme non résolue : peut-être le crime de quelques vagabonds destinés à rester inconnus.

Un fait imprévisible vint déjouer les plans des assassins : tombé gravement malade, Doré commença à avouer sa participation au forfait. Même si, en définitive guéri il fut éloigné au Mans, des bruits se mirent à circuler et incitèrent la famille de Monceaux à user de son influence qui n'était pas négligeable pour faire rechercher et poursuivre les coupables.

Dès lors, les choses allèrent assez vite, du moins au début : on arrêta Jean, l'aîné des Beaumont et un certain Beauclerc qui avaient gardé les chevaux pendant l'intrusion; ils furent exécutés en compagnie de René Doré, place du Martroi à Orléans le 15 février 1574, soit neuf mois, jour pour jour après le meurtre. Les trois autres principaux coupables, contumaces et condamnés à la roue, ne furent exécutés qu'en effigie.

Le poète, Nicolas-Horace, attendit dix ans pour être rattrapé, en 1584, et eut la tête tranchée en place de Grève à Paris. Il existe également des raisons de croire que Jean-Baptiste, le cadet des Beaumont, fut également rejoint par la Justice. En définitive, seul alors Gabriel , le clerc, aurait réussi à s'échapper.

La Denisière et ses dépendances ne demeurèrent pas plus longtemps aux Ronsard (1) ; elles furent enlevées à la famille pour être remises aux frères de Monceaux à titre de dédommagement; ces derniers les vendirent quelques temps après. Vers 1750, la propriété passée entre les mains de la famille de Querhoent.

(1) Ceux-ci perdirent également la seigneurie de Beaumont-la-Ronce, pour d'autres raisons.

Xavier Campion (Juillet 2015)

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