Maison de famille (2): L’historiographe


Marc Vincent nous propose une nouvelle page dont chacun peut savourer l’écriture ciselée Nous le remercions d’apporter ainsi un nouveau souffle au blog Le Mille-Pattes.

L’automne est là avec de belles journées qui revêtent encore un aspect estival. Tout est tranquille. Mes voisins organisent les premiers dîners d’arrière-saison, sorte de rupture hebdomadaire de solitude.

Alors que fais-tu de ton temps ? Et d’énumérer tous les petits travaux quotidiens. C’est le côté assomant des maisons de famille, il y a toujours quelque chose à réparer.

Et il y a des activités plus personnelles qui font de moi l’historiographe de la famille.

Ainsi, j’ai rouvert le bureau américain à rideau, le plateau est tout encombré des dossiers de mes recherches généalogiques laissées en plan au tout début de l’été.

Sur un mur nu de la pièce, j’ai épinglé des dizaines de feuilles de papier où j’ai noté les dates de naissance et de décès de ma ligne directe. C’est la partie la plus facile. J’ai toujours eu une excellente mémoire et me suis reposé sur elle avant de consulter les archives départementales et militaires numérisées pour élargir le champ d’investigation.

Ma grand-mère avait réuni des dizaines de photographies dans des boites en carton oubliées depuis sur les rayons supérieurs de la bibliothèque du bureau. Au printemps dernier, j’avais eu la curiosité de les rouvrir, puis d’entreprendre de les classer, la plupart étaient en noir et blanc. Je les annotais au dos quand me revenaient des noms, des prénoms, des évènements.

Puis j’avais regroupé les photos par personne dans des pochettes en plastique.

De là était parti mon projet de constituer l’arbre généalogique de la famille.

Le passe-temps familier des retraités me direz-vous, certes, mais au-delà de cette occupation, je me suis senti investi d’une mission. J’étais désormais le seul à pouvoir identifier ces visages, à leur procurer ainsi un petit supplément d’existence, le seul à pouvoir donner une certaine cohérence à ce corpus photographique déclassé.

L’automne est là qui diffuse une belle lumière dans la pièce, les « chic-ouf » vaquent à leurs occupations dans leurs grandes villes lointaines, c’est le bon moment pour se replonger dans l’histoire familiale.

Marc Vincent

Voir également : https://le-mille-pattes.info/maison-de-famille/