Hommage à Joseph

Lors des commémorations du 11 novembre, j’ai toujours une pensée pour Joseph Deit. Il n’appartient pas à ma famille, cependant on pourrait dire qu’il a intégré ma famille de cœur au même titre que mes chers amis.
Nous ne nous sommes jamais rencontrés.
J’ai entre les mains une lettre à son épouse, la dernière, rédigée au crayon bleu, le vendredi 24 septembre 1915 et un document du Ministère de la guerre, datant du 18 février 1921, lui attribuant à titre posthume la médaille militaire, mentionnant « Brave soldat. Tué glorieusement à l’ennemi en Champagne le 25 septembre 1915. A été cité ».
Ce fut en participant à un atelier organisé par la médiathèque dont le but était l’enregistrement sonore de lettres échangées entre les poilus et leurs familles que le hasard m’attribua ce dossier.
Une fois l’exercice terminé, je voulus en savoir plus sur Joseph.
Mes premières recherches me conduisirent sur le site du Ministère de la Défense, puis sur celui des Archives départementales. S’en suivirent un survol de la gestion des sites funéraires, des registres hypothécaires, des recensements de population.
Peu à peu la silhouette fugitive de Joseph se densifia.
Le registre d’état civil mentionna sa naissance le 16 janvier 1878 à Ille sur Têt dans la maison de son père rue de La Barrère.
La première page de son livret militaire indiquait son matricule 1099. Un certain nombre de détails y furent consignés lorsqu’il passa devant le conseil de révision en 1898 : yeux noirs, sourcils noirs, visage ovale, grande bouche, taille 1,58 m, niveau d’instruction 3. Il fut incorporé au 100°régiment d’infanterie, puis fit partie du corps expéditionnaire dépêché en Chine en août 1900 lors de la révolte des Boxers. Il fut rapatrié en septembre 1901, promu soldat de première classe en janvier 1902 et enfin libéré en novembre de la même année.
Il se maria le 22 février 1905 à Ille sur Têt avec Thérèse Ibo.
Lors de la mobilisation de 1914, Joseph fut affecté au 33°régiment d’infanterie coloniale.
Il fut tué le 25 septembre 1915 lors de la seconde bataille de Champagne, dans la tranchée de Wagram à Sourain. Il avait 37 ans.
Il repose à la nécropole nationale La Crouée, tombe 5538.
Parfois, je me rends à Ille sur Têt. Je salue le nom de Joseph sur le monument aux morts. Je flâne jusqu’à la rue de La Barrère où se trouvait sa maison natale.
Un jour prochain j’irai ramasser dans la campagne toute proche une poignée de terre pour aller la déposer sur la tombe 5538 là-bas dans l’Est, la tombe de mon ami Joseph.
Marc Vincent
