Un village disparu : Marcé !
Pour l’heure, Marcé n’est qu’un carrefour de deux départementales, la D80 entre Chemillé (Indre-et-Loire) et Montrouveau ou Ternay (Loir-et-Cher), et les D57 et 131 entre Couture (Loir-et-Cher) et les Hermittes (Indre-et-Loire), marqué par un grand bâtiment, naguère à la fois silo et coopérative agricole. Il semblerait même, à en croire un guide touristique de Touraine publié entre les deux guerres, qu’un autre nom ait été attribué au carrefour : Marcé aurait donc été carrément rayé de la carte ! Nul ne sait exactement de nos jours où se trouvait ce lieu qui semble avoir été entièrement constitué de défrichements de la forêt de Gâtines. Il a fallu attendre 1083 pour voir un personnage, dénommé Constantin de Marcé, faire une donation de terres à l’abbaye vendômoise de la Trinité qui s’implanta alors dans la forêt de Gâtines et a précédé ainsi l’institution percheronne de Tiron. D’ailleurs, à la même date, un certain « Hélimanus de Martiaco » était témoin d’une autre donation. La Trinité était donc bien présente !
Au XVe siècle, nous nous trouvons face à trois fiefs se partageant Marcé (non compris le prieuré-cure, placé sous le patronage de Saint-Martin). Saint-Venant fait même état d’un « Plessis-Marcé », manoir appartenant à des seigneurs de Marcé, vassaux de la Roche-Turpin, dont le château, transformé en exploitation agricole, existe toujours à Artins. Le fief subsistait au XVIIIe et relevait toujours de la Roche-Turpin. Il ne faut pas confondre ce « Plessis » avec un autre, le « Plessis Ravenier » qui, uni à « La Grambaudière », laquelle figure toujours sur la carte, rendait hommage à Montoire.
Le troisième fief, « La Verrerie », est encore visible à proximité immédiate de Villedieu. Il aurait appartenu à la Trinité ; toutefois, au XIVe, le lieu aurait pu abriter le siège d’une sergenterie forestière des comtes de Vendôme, dont le titulaire aurait été un certain Guillet le Verrier dont le surnom parait évoquer le lieu. Si l’activité verrière est attestée au XVIIe siècle, l’on ne connait ni ses débuts ni la date d’apparition du toponyme associé. Au milieu de ce siècle, « La Verrerie » aurait également servi de maison de campagne ou de pavillon de chasse aux abbés de la Trinité. Le château, visible de nos jours, fut construit vers 1820 : longtemps résidence d’agrément et relais de chasse, le bâtiment a été rénové pour abriter, pendant quelques années, des chambres d’hôte aménagées de façon somptueuse
Les conditions d’existence des habitants de Marcé ne devaient guère différer de celles des Montruvelliens, mais avec un niveau de vie inférieur : toutes les informations disponibles font état de signes d’une extrême pauvreté : Saint-Venant donnait 100 livres de revenu à la cure à comparer aux 600 de Montrouveau. Celle-ci, comme l’église, aurait été située non loin de la route des Hermittes et entourée de douves disparues depuis longtemps, 1908, selon Saint-Venant pour l’ancien presbytère.
L’on peut néanmoins relever que le seigneur de la Ribochère et de Villedieu, Charles Ruau du Tronchot, aurait revendiqué Marcé en faisant bénir, en 1712, dans son église , une cloche destinée à Saint-Martin, peut-être en remplacement d’une autre, mise hors d’usage en 1711, par un ouragan. Selon certaines personnes âgées, Marcé aurait été privilégié par les habitants de Villedieu pour le choix de leur conjoint !
Relevant du doyenné de Trôo à l’époque, l’église devait être inspectée de temps à autre ; en 1640, le doyen enjoignit au curé de faire disposer un tapis sur l’autel ainsi que de pourvoir celui-ci d’un tabernacle qui devait être fabriqué par un menuisier de l’endroit. Au cours du XVIIIe, l’on prétendait de cette église « qu’elle était la plus pauvre du royaume et que, n’ayant plus de portes, les loups de la forêt venaient boire dans ce bénitier ». Après la démolition de l’édifice en 1812, le bénitier, de forme hexagonale, fut vendu, et servit longtemps d’auge dans une ferme du hameau du Vau de la Raye (à Montrouveau) de même que le tabernacle ; ces deux objets étant devenus la propriété de particuliers, seule la statue de pierre de la Vierge à l’enfant du XVIe siècle,, souvent qualifiée de « rustique », trône sur une tribune dans le chœur de l’édifice religieux du village parmi les vases de fleurs. Elle demeure le seul souvenir de l’église de Marcé.
Marcé n’aura survécu que quelques années à l’Ancien Régime puisque la commune et la paroisse de ce nom ont disparu, rattachées à Montrouveau par décret impérial du 29 janvier 1811, comme Saint-Pierre du Bois à Saint-Martin des Bois à la même époque, sort qui attendait d’autres localités, que ce soit dans le Loir-et-Cher ou ailleurs.
Xavier Campion -2020
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