
En 1035, Geoffroy Martel, comte de Vendôme, fit construire à Villedieu une chapelle qu’il donna avec des terres, à l’abbaye de la Trinité à Vendôme pour fonder un prieuré placé sous le patronage de Saint-Jean. Par la suite, ce prieuré reçut de nombreuses donations qui en firent le plus important de tous ceux qui relevaient de l’abbaye de la Trinité ; en 1327, l’évêque du Mans lui accorda le privilège de relever directement du Saint-Siège.
Des hordes de Gascons et d’Anglais commandées par Robert Marcault et établies à Trôo, dévastèrent la région ; en 1379, Louis, duc d’Anjou, frère de Charles V autorisa la fortification du site incluant le prieuré.
Le texte qui suit a été publié dans le mensuel « Au Fil du Niclos »N°26 en date du mois d’août 2010. A cette époque, les vestiges de l’ancien prieuré venaient d’être dégagés de l’épaisse végétation qui, dans une certaine mesure, les protégeaient des dégradations. Il n’est pas sûr qu’aujourd’hui on puisse réaliser les mêmes observations.
Comme on le sait, nombre d’églises et de chapelles de la vallée du Loir ont conservé des restes plus ou moins importants de décorations intérieures et de fresques médiévales dont certaines bénéficient d’une réputation méritée : Saint-Genest à Lavardin, Saint-Gilles à Montoire, Saint-Jacques à Saint-Jacques-des-Guérets, Saint-Julien à Poncé…
Le décor intérieur de l’église
Il n’existe aucune raison de penser que l’église du prieuré de Villedieu n’ait pas été décorée à l’instar d’autres lieux qui apparaissent cependant comme moins importants. Si calamiteux que soit son état actuel, le carré du transept de l’église semble avoir conservé quelques témoignages.
Le mur qui encadre l’ogive nord a été revêtu, à une époque indéterminée, d’une sorte de crépi qui a disparu par endroits. Là où la disparition est relativement récente, au-dessus de l’arc brisé, l’on s’aperçoit que le crépi recouvrait un enduit apparemment de couleur jaune paille sur lequel avaient été tracées des lignes rouges figurant les joints de la maçonnerie ; la pierre a d’ailleurs été piquée pour recevoir cet enduit.
Des traces du même enduit qui ne sauraient visiblement être confondues avec une pigmentation naturelle de la pierre, subsistent encore sur une petite partie, accidentellement dégagée, du fût d’une colonne prise dans le mur construit pour séparer la croisée de l’ancienne nef ; l’on note également la présence de deux cercles concentriques tracés en blanc d’un diamètre de 0,50 et de 0,36m environ. Il semblerait bien sous réserve d’un examen plus approfondi, que la surface du cercle intérieur ait été décoré d’un semis de motifs quadrilobés blancs.
Ces éléments paraissent anciens sans qu’il soit possible de leur attribuer une datation précise ; peut-être une comparaison avec des décors identiques encore présents dans les édifices voisins, pourrait-elle apporter un début de réponse.
Une inscription énigmatique
Ce n’est pas tout ! A proximité de la porte droite de l’arc ogival ouvrant sur l’abside disparue, à 1,90m du sol actuel, se voit une petite inscription gravée sur une pierre d’angle (dimensions : h=0,37m ; L=0,38m). Cette inscription, malheureusement en partie effacée, est d’autant plus difficilement lisible qu’elle a été rédigée en latin et intégralement en minuscules.
Quelques mots se détachent cependant « carolus bigot…anno domini 1589…henrico IV … »
Ce qui frappe d’emblée, c’est l’opposition apparente entre l’emploi du latin, lequel, à une date aussi tardive, confère une certaine solennité à une inscription, à première vue profane, et une écriture plutôt rustique. Si l’inscription est profane, l’on peut s’étonner de sa présence à cet endroit : celui-ci, peut-être situé sous le clocher, aurait-il servi de poste de commandement à Charles Bigot ?
A noter que si le prénom a été latinisé, le patronyme a été conservé, ce qui correspond suivant des avis autorisés à la pratique de l’époque. Compte tenu du contexte, un cas d’homonymie avec le « héros » de 1589 parait peut probable.
Un peu d’histoire locale : Charles Bigot, à la tête de la garnison de Villedieu, soutint l’attaque des ligueurs commandés par Maillé de Bénéhart. Il faut se souvenir que, si le prieuré a été fortifié, c’était à des fins uniquement défensives, Villedieu ne présentant aucun intérêt stratégique puisqu’à l’écart des voies de communication.
La date pourrait poser un problème dans la mesure où la partie supérieure du « 5 » se confond avec la lettre du dessus ; s’il fallait voir un « 6 », il faudrait penser à une inscription commémorative.
Enfin, la mention d’Henri IV indique que l’inscription ne peut pas être antérieure au mois d’août 1589 qui vit l’assassinat d’Henri III.
Xavier Campion (août 2010)


