Montoire/Vendôme : Didier Seelweger et le Devoir de mémoire
« Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre » Winston Churchill
Il y a quelques jours, à la demande des enseignants des classes de CM1/CM2 et 6ème de l’école Anatole France et du collège Jean Emond, à Vendôme, Didier Seelweger est intervenu dans ces établissements pour faire connaitre aux élèves l’histoire des « Malgré nous », un épisode tragique de la Seconde Guerre Mondiale.
Ces « Malgré Nous » dont on a peu entendu parler, qui étaient-ils ?
Lorsqu’en 1940, la France et l’Allemagne ont signé l’armistice, aucune disposition ne figurait quant au sort réservé aux deux départements alsaciens non plus qu’à la Moselle, en Lorraine. Au mépris du droit international , en août 1942, a été décidée la création d’un service obligatoire dans la Wehrmacht, pour les jeunes habitant dans ces départements ; au total quelque 130 000 ont été enrôlés de force à partir du mois d’août 1942.
Le père de Didier, René Seelweger, né en 1921, appartenait à une fratrie de 8 enfants, issus d’une famille dont plusieurs membres avaient servi la France comme officiers supérieurs. En 1940, René habitait à Montbronn, un bourg de Lorraine, dans le pays de Bitche. De retour d’un exode forcé dans la Vienne, la famille avait retrouvé sa maison pillée et dégradée. René a fait alors partie des jeunes requis par les occupants, pour être soumis au travail forcé et cela jusqu’en qu’en avril 1943. A cette date, il a été appelé à intégrer la Wehrmatch, sous la menace de dures représailles à l’encontre de ses proches, notamment de sa mère âgée. La désertion envisagée un moment, s’est révélée par conséquent impossible. Apprenant la mort de l’un de ses frères, qui combattait avec de Lattre en Italie, René a sollicité alors une permission pour rejoindre sa mère. Comment échapper à l’ennemi sans que celle-ci n’en subisse les conséquences ? Une mutilation volontaire paraissait être une solution. Avec l’aide de l’un ses frères, René a utilisé une hachette pour se faire couper tous les orteils d’un pied. Conduit à l’hôpital militaire, il a réussi à s’échapper et à se cacher jusqu’à ces premiers jours de décembre 1944 qui ont vu la libération de la région par les Américains. Mais les épreuves n’étaient pas encore terminées !
Les libérateurs américains, méfiants, ont arrêté à leur tour le jeune homme pour le déplacer, à l’autre bout de la France, au camp de la Blancarde, près de Marseille. En dépit de ses protestations et de ses explications, de longues heures vont s’écouler avant qu’il ne soit transféré aux autorités françaises qui n’acceptent de le laisser partir que s’il peut fournir un certificat d’hébergement d’un proche ou d’un ami.
Les jeunes Alsaciens et Mosellans qui se sont retrouvés sur le front russe ont subi un sort encore pire. Les Russes les ont appelés par tract à la désertion, leur demandant de rejoindre leurs lignes. Les nombreux jeunes qui ont répondu à cet appel ont été transférés à 450 km de Moscou, dans le camp de Tambov, où certains sont demeurés plusieurs mois au milieu de prisonniers allemands ; beaucoup y sont morts et Tambov symbolise à jamais le drame des enrôlés de force mosellans et alsaciens.
C’est une tragédie, encore peu connue du public ; il a fallu les Présidences de Nicolas Sarkozy et de François Hollande pour que, par leur voix, la France reconnaisse l’abandon par le régime de Vichy, de tous ces jeunes alsaciens et mosellans enrôlés, malgré eux, dans l’armée ennemie.
René Seelweger a conservé précieusement, toute sa vie, la carte de légitimation barrée de tricolore, qui lui rendait sa nationalité et sa vie. Il a porté en lui, les stigmates et la douleur d’une période où la lâcheté et les compromissions étaient monnaie courante.
C’est cette triste histoire que Didier, son fils, a raconté aux élèves et aux lycéens de Vendôme, au nom du Devoir de Mémoire, pour que cela n’arrive jamais plus. Avec le concours d’enseignants très motivés, les jeunes ont montré un vif intérêt et ont posé de nombreuses questions à un homme qui, par son engagement au sein de plusieurs associations patriotiques, a fait son combat de cette transmission de l’Histoire dont l’importance devient de jour en jour plus évidente. La paix se mérite ; elle a été gagnée par le combat de ceux qui nous ont précédés. Nous leur devons de transmettre leur force et leur détermination et de maintenir « cette flamme de la résistance qui ne doit pas s’éteindre et qui ne s’éteindra pas », ainsi que l’avait proclamé le Général de Gaulle, lors de l’Appel du 18 juin.
Sabine Campion
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