L’information fait la une du journal « Le Matin » (1) le 10 Juillet 1924: Le préfet Buloz est inculpé d’abus de confiance pour avoir détourné, selon le quotidien, un « livre rare » « appartenant à la commune de Villedieu en Beauce » et contenant « les authentiques actes de baptême de Ronsard, de Joachin du Bellay, et autres célébrités du Vendômois ». (2) Prêté au préfet , sur sa demande, par la municipalité, le précieux ouvrage n’aurait jamais été rendu. Le préfet, qui a demandé sa « mise en disponibilité » affirme pour sa défense ne pas se souvenir d’un tel prêt ni être en possession du livre.
L’information est reprise dès le lendemain par les grands quotidiens de l’époque « Le Quotidien », « Le journal », « Le petit journal » ainsi que la plupart des quotidiens régionaux . Ce qui va rapidement devenir « l’affaire Buloz » fait de nouveau la une du « Matin » qui titre « Où est passé le registre d’état civil de Villedieu en Beauce ? » (3 ). Ainsi n’est il plus question dans l’édition du 11 juillet d’un « livre rare » mais d’un registre d’état civil ou plutôt d’un recueil renfermant « tous les actes de baptême, de mariage ou de décès de la paroisse du bourg de Villedieu-en-Beauce (4) pour la période de 1550 à 1633 ». « Le Matin » affirme que le nom de Ronsard figure comme parrain sur « un grand nombre d’actes de baptême » (5) .
Le 12 Juillet , le quotidien « Le petit journal » qui a dépêché à Villedieu un envoyé spécial apporte quelques précisions. L’ancien maire de la commune, M Augereau, confirme avoir prêté au préfet Buloz des registres d’état civil puis les lui avoir réclamés à plusieurs reprises sans succès. M Clément (6), interrogé par l’envoyé spécial du « Petit Journal » apporte quelques précisions concernant le « registre d’état civil » de Villedieu le Château. Ainsi, il s’agirait, non pas comme l’affirme « Le Matin » des registres d’état civil de la commune de Villedieu, mais, selon M Clément, du registre paroissial des Hayes, appartenant à la commune de Ternay dont dépend Croixval, où demeura Ronsard pendant une quinzaine d’années. Ce registre paroissial contiendrait uniquement deux registres de baptême sur lesquels figurent le nom de Ronsard. (7)
Le 24 Juillet a lieu l’audience du préfet devant la cour d’appel d’Orléans, il obtient à la demande de son avocat un report du procès au 22 octobre. Le procès n’aura finalement jamais lieu, le préfet Bulloz est retrouvé mort le 07 Octobre. Si certains journaux n’hésitent pas à parler de « mort mystérieuse » ou évoquer la thèse du suicide, l’autopsie révèle rapidement que le préfet est mort d’une hémorragie cérébrale, ce qui sera confirmé par des analyses toxicologiques complémentaires.
Le 16 octobre « Le Matin » titre « Un coup de théâtre dans l’affaire Bulloz ». On apprend ainsi que le fameux registre a été retrouvé dans les affaires de l’ancien préfet, dans une enveloppe volumineuse avec la mention « A ouvrir en cas de mort, juillet 1924 ». L’enveloppe renfermait « une sorte de gros cahier relié, empaqueté dans un journal », accompagné d’une inscription qui y était épinglée : « pour justification et preuve de ma bonne foi. Trouvé en fouillant dans mes caisses de Vendôme, non ouvertes depuis mars 1918. »
Rédacteur : Eric Cartereau-Crespin
(1) : Lancé en 1883 sur le modèle du quotidien britannique le « Morning News », « Le Matin » se revendiquait être un journal novateur, « à l'américaine ». Soutien de Dreyfus, « Le Matin » change de ligne éditoriale après son rachat par l'homme d'affaires Maurice Bunau-Varilla. Résolument anti-communiste, anti-républicain, prônant un rapprochement avec l’Allemagne « Le Matin » deviendra collaborationniste sous l’occupation. Il sera interdit à la libération.
(2) : Cette information sera infirmée par la suite sans autre forme de démenti de la part du « Matin ».
(3) : Cette information se révélera erronée elle aussi sans que cela fasse l’objet d’un erratum de la part du « Matin ».
(4) : « Le Matin » semble ignorer que le village a changé de nom en…1922 !
(5) : Information démentie par « Le Petit Journal ».
(6) : Paul Clément, instituteur à Artins, ont lui doit plusieurs découvertes archéologiques, ainsi que de nombreuses publications sur l’histoire locale, du néolithique à l’âge du fer, pour le bulletin de la Société archéologique du Vendômois.
(7) : Selon les informations publiés par la suite par le quotidien « Le Journal », il s’agirait des registres de baptême des 14 Avril 1575 et 14 Février 1576 où figureraient respectivement les signatures de Pierre de Ronsard et Anne de Ronsard
Sources : www.retronews.fr/
