
Chaque année, depuis près de deux siècles, le petit village des Essarts dans le Loir-et-Cher, (entre Montoire et La Chartre) qui compte aujourd’hui un peu plus d’une centaine d’habitants, célèbre la Fête du Biquet.. Quelle est l’origine de cette tradition dont on ne trouve trace dans aucun ouvrage ?
L’histoire ou la légende ?
D’après des documents privés, il semble que cette fête trouve sa source dans un marché aux chèvres dont la création remonterait à l’année 1788. En 1788, nous sommes à la fin de l’Ancien Régime ; le baron de la Roche-Turpin, également seigneur des Essarts et d’Artins, employait alors un certain Pierre Grange, chargé de réunir des denrées alimentaires – « viande fraîche, sel, blé, voire animaux vivants » – destinées, semble-t-il, à la garnison d’Auxonne, place forte gardant un passage sur la Saône (pour la petite histoire, le jeune Bonaparte, alors sous-lieutenant d’artillerie, y était alors stationné).
A la suite d’une altercation avec le baron, le sieur Grange reçut, à titre de sanction, l’ordre de rassembler 2 000 chèvres sur les Pateys (Patis) des Essarts; en outre, celles-ci ne devaient pas avoir plus d’un an, condition stipulée dans les proclamations et avis à l’adresse des paysans. Au jour fixé, les chèvres affluèrent de toutes parts; les livraisons atteignirent le chiffre requis et même davantage car « Monsieur Grange était très estimé ». Cet exploit parait d’autant plus étonnant que la paroisse ne comptait que 200 feux et qu’environ 100 ans plus tard, dans les années 1880, le cheptel caprin recensé n’était que de 21 000 têtes pour l’ensemble du département.
Il faut préciser que Pierre Grange s’était assuré du concours du Sieur Séguineau, fils d’un charpentier, qui avait travaillé au vieux bourg d’Artins, et que, de surcroît, il avait l’obligation « d’offrir à chaque arrivant une chope de vin de la région de Touraine »
Cette foire aux chèvres s’étant bien déroulée, l’opération fut renouvelée d’année en année. En 1810, l’on retint la date de la Saint-Georges (23 avril) pour le marché aux biquets; quelques années plus tard, le marché devint la fête du biquet en pot. La fête mêlait des gens de toutes conditions, bourgeois et paysans, également impressionnés par les montreurs d’ours et les nombreux saltimbanques qui la fréquentaient.
Encore aujourd’hui, ce sont les femmes du village qui se réunissent pour préparer le biquet en pot dont la recette demeure secrète. Il y a quelques années, la municipalité a construit un four en tuffeau où sont cuits les quelque soixante pots de biquets nécessaires aux repas de la fête.
Sabine Campion
