La Vallée du Loir fête la Saint-Vincent
Célébrée le 22 janvier, la Saint-Vincent est l'occasion de festivités liées à la vigne, que celle-ci soit toujours présente ou qu'elle ne subsiste que dans les mémoires. Dans la tradition, saint Vincent parait avoir pris la place de Dyonisos ou de Bacchus, ce qui ne semble pas tout à fait illégitime compte tenu de l'importance de la vigne et du vin dans les Ecritures, et aussi dans la liturgie malgré la mésaventure survenue à Noé.
Saint Vincent, patron des vignerons
Né en Aragon, Vincent est l'un des plus célèbres martyrs espagnols. Ce chrétien, simple diacre, aurait été pris dans la persécution de Dioclétien et emmené à Valence où il aurait expiré en 304 des suites de divers supplices. Son culte gagna toute la péninsule ibérique, puis la France à la faveur d'une expédition menée en 541 par deux fils de Clovis qui ramenèrent de Saragosse quelques reliques; celles-ci furent confiées à une abbaye construite spécialement sur la rive gauche de la Seine, à Paris. Comme cette dernière devait devenir propriétaire de vignobles aux alentours, il est possible que les moines aient placé ceux-ci sous la sauvegarde de leur protecteur. C'est -semble-t-il- la seule hypothèse qui relierait Vincent à la vigne, si l'on excepte un mauvais calembour assimilant le vin au sang. Bien que dépossédé par la suite de son abbaye au profit de l'évêque Germain, le saint n'en triompha pas moins en devenant au XIIIème siècle le principal patron des vignerons.
Sous l'Ancien Régime, alors que le vignoble occupait des territoires délaissés depuis (bien au nord de ses limites actuelles), toute paroisse viticole possédait une confrérie d'inspiration religieuse qui devait disparaitre à la Révolution pour renaître ensuite. Saint Vincent trônait dans beaucoup d'églises et l'on a recensé des centaines de statues, souvent taillées dans le bois -car elles étaient portées en procession; de même, le saint apparaissait sur des tableaux ou des bannières sans compter les images pieuses très répandues au XIXème siècle.
En principe, Vincent est figuré en diacre portant la palme du martyr et ayant pour principal attribut une grappe de raisin ou la serpette à tailler la vigne, souvent remplacée, après 1850, par un sécateur d'allure plus moderne.
La crise du phylloxéra, dans le dernier quart du XIXème a été fatale à nombre d'exploitations, et donc de confréries. Il convient sans doute d'ajouter les effets de l'évolution économique et sociale, des crises et des guerres. Dans certains lieux, la tradition a été retrouvée peu avant ou peu après la Deuxième Guerre mondiale.
La Fête de la Saint-Vincent dans la Vallée du Loir
C’est sans doute dans le sud de la Sarthe- disons autour du domaine du Jasnières- que les usages ont été le mieux conservés. Si les vignerons ont perdu le monopole de la célébration de la Saint-Vincent et si les femmes ont accès aux dignités, ce qui n’était pas le cas auparavant, le lien avec la vigne n’a pas été rompu. La fête est toujours annoncée, quinze jours plus tôt par la « présentation du tonneau » devant une vieille cave qui sert de premier lieu de réception au président ou au roi. A Poncé, où l’on est probablement resté plus proche, sinon de la lettre, du moins de l’esprit originel, ces usages ont été codifiés, il y a plusieurs décennies, par André Sevault. L’organisation des cérémonies est confiée à un roi auquel il revient de présenter le tonneau en présence de ses prédécesseurs, avant le partage de la brioche accompagné de quelques libations. La Saint-Vincent débute par une messe avec le tonneau et la « grigne » (grande brioche) acheminés sur des brancards du bas du village jusqu’à l’intérieur de l’église. Le vin d’honneur qui suit est accompagné des chansons à boire les plus connues. En début d’après-midi, un cortège apporte au dauphin (le roi désigné pour l’année d’après), la grigne accompagnée d’un brin de laurier. Le soir a lieu un grand banquet tandis qu’un repas de midi plus modeste est prévu pour le lendemain ( avec dégustation de la tête de veau et d’ huîtres).
Nous ne terminerons pas cette revue sans rappeler qu’à Ruillé, la Saint-Vincent est organisée par « Les Bons Tirebouchonneux », confrérie habillée qui doit beaucoup à Jacky Claveau et qu’à Beaumont-sur-Dème, elle est remplacée par la Saint-Sébastien fêtée le 20 janvier.
La confrérie des Chevaliers de la Puette et du Franc-Pinot a vu le jour en 1980 suite à la fusion des Chevaliers de la Puette (créée à Beaumont-sur-Dème) avec la confrérie du Franc-Pinot (qui a vu le jour à Trôo). .
Xavier Campion (24 novembre 2017)
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