
L’on peut dire que leur modestie représente souvent l’une des caractéristiques principales des prieurés du Bas-Vendômois. Ni Montrouveau ni Croixval ne peuvent démentir cette constatation.
Tous deux doivent leur existence à la puissante abbaye de Thiron ou Tiron, située dans le Perche, à une quinzaine de kilomètres de Nogent-le-Rotrou. Fondée en 1114, l’établissement a rapidement attiré de nombreuses donations, aussi bien du roi d’Angleterre, duc de Normandie, que de son rival français, Louis VI le gros.
Saint-Venant, l’historien du Vendômois, est d’avis que « ce prieuré (Montrouveau) fut fondé en même temps que celui de Croixval qui lui était voisin, qu’il procédait des dons des mêmes personnes et qu’il fut formé d’un défrichement de la forêt de Gastines. » Ce qui semble accréditer la thèse de Saint-Venant, c’est qu’une dizaine d’années seulement séparent la création de l’abbaye par saint Bernard et l’écrit le plus anciennement connu qui récapitule des libéralités consenties à Croixval, généralement daté de 1125.
Alors qu’à Croixval, qui commandait la réunion des deux Cendrines en une seule, l’on trouvait un ensemble de bâtiments propres à l’institution (chapelle, habitations, moulin, granges et étables…), le « Mons Rivelli » qui fermait l’autre vallée, contrôlait l’une des sources. L’église proche, placée sous le vocable de saint Blaise, martyr arménien du IVe siècle, sans doute remaniée après avoir remplacé une chapelle antérieure, mais conservant toujours quelques témoignages du Moyen Age (baies, fresques…), remonterait au XIIIe siècle et serait la seule marque matérielle de la présence des moines de Thiron ; Montrouveau aurait été un simple prieuré-cure plutôt modeste, la désignation du desservant étant laissée à la discrétion de l’abbé de Thiron.
Si nous revenons à Croixval, nous trouvons donc un ensemble protégé à l’origine par une muraille assez épaisse qui l’entourait et dont il ne reste rien. Une bonne partie des bâtiments ont connu le même sort, y compris le moulin du prieur. Quant au logis, que put connaitre Pierre de Ronsard, en tant que commendataire du prieuré entre 1566 et 1585, son état actuel date de la Renaissance, avec des remaniements effectués encore au XVIIe. Cette maison est reconnaissable de loin grâce aux pans de bois de ses colombages du premier étage. La chapelle médiévale, qui aurait pu constituer l’un des attraits les plus importants du lieu, n’existe plus ; il en subsisterait uniquement des caves souterraines, certaines de style Plantagenêt, devenues, semble-t-il inaccessibles.
C’est à Croixval que nous devons ce poème culinaire, « La Salade », adressé à Amadis Jamyn, secrétaire de Ronsard :
« Lave ta main, quelle soit belle et nette,
« Réveille toy, apporte une serviette,
« Une salade amasson et faison
« Part à nos ans des fruicts de la saison. »
Xavier Campion (2016)